Ce roman a été publié aux éditions Denoël en 1970. L'adaptation cinématographique a été réalisée la même année par Bernard-Michel Toutblanc avec Claude Amazan dans le rôle de Bougnat et Isabelle Adjani dans le rôle de Rose ,une gamine de 13 ans. Claude Pinoteau, réalisateur de " La gifle ", film qui rendit l'actrice célèbre,m'a affirmé que la découverte d'Isabelle Adjani revenait à François Boyer qui l'avait choisie pour l'adaptation du " Petit bougnat." ( Claude Pinoteau était venu dans la région en 2005 je crois, comme invité d'honneur d'un salon du livre et j'en avais profité pour le rencontrer et discuter de François Boyer.)
Bougnat - un gamin d'une dizaine d'années - comme on l'appelle dans sa banlieue est né en Auvergne mais son père est reparti en Afrique voir s'il avait des petits frères. Depuis, les compagnons de sa mère qui gagne sa vie en lavant des trains, défilent à la maison et dans les crises de soulographie ils ont tendance à cogner sur le mioche dont la couleur ne leur revient pas. Bougnat ne rêve que d'une chose : partir à la campagne en colonie de vacances mais sa mère a oublié de l'inscrire. Sa copine Rose, quant à elle, est inscrite en raison de son caractère difficile. Il faut dire qu'elle se rebelle car on lui fait manquer l'école pour garder ses petits frères auxquels on ajoute à l'occasion ceux des voisins lesquels font ainsi des économies. Rose a peur de l'inconnu et ne veut pas partir. Bougnat est prêt à prendre sa place mais les organisateurs consciencieux refusent. Rose prend donc le bus en partance pour la Creuse tandis que Bougnat s'arrange pour prendre le train en passager clandestin dans la même direction et nos deux personnages se retrouveront à la colonie pour vivre de multiples aventures.
Le bus vient de faire un arrêt en pleine campagne. Rose en profite pour s'enfuir. Roland, le moniteur finit par la retrouver et voici l'extrait.
" - Au secours ! Au secours!
Elle se tenait, raide, tremblant de tous ses membres, ne pouvant plus avancer, ni reculer. Un spectacle effarant, monstrueux, la paralysait...
- Rose!...
Essoufflé, Roland s'arrêta. Déjà il avait semé la petite troupe de collègues, lancée comme lui à la recherche de la fillette.
- Au secours!...
La voix était sourde, voilée, étranglée de peur. Roland s'élança de plus belle, l'esprit troublé. Il se reprochait d'avoir relâché sa surveillance, d'avoir mal accompli sa tâche d'éducateur, de s'être laissé berner par une enfant rouée et têtue, de l'avoir abandonnée face à des dangers inconnus. Mais en même temps, sautant les troncs d'arbres renversés, survolant les ruisseaux, perforant les rideaux de branches feuillues, courant, galopant sans en perdre le souffle, il se réjouissait d'être tout de même un fameux athlète, se délectant de sa force, de sa détente et de sa souplesse. Loin derrière lui, il entendait s'essouffler le reste de la bande.
Il faillit passer près de Rose sans s'arrêter, mais, comme chez la fillette tout à l'heure, l'intelligence de son corps suppléa à celle, défaillante, de sa tête. Il se retrouva piqué au beau mileu du chemin de terre, jambes écartées et cheveux fous. Elle était là, devant lui, le dos tourné, pétrifiée, faisant face au danger.
C'était un troupeau de bêtes sauvages, longuement encornées, dégoulinantes de bave, bardées de croûtes craquelantes et jaunâtres toutes entourées d'une nuée tenace et frénétique de mouches bleues et vertes.
Des vaches.
A la vue de Roland, la plus belliqueuse du troupeau fie meuh et se détourna.
Soupirant, soulagé, le garçon s'en vint aux côtés de Rose. Elle eut pou lui un regard éperdu et éclata en sanglots.
- Eh bien, eh bien ? fit Roland, tu n'as jamais vu de vaches ?
Rose renfla.
- Si... A la Villette.
- Eh bien alors ?...
- Mais ... Elles étaient avec leurs dompteurs."