Nous répétons actuellement Les Carmina Burana à trois chorales : celle de la ville D'Aÿ, grosse bourgade voisine d'Epernay, la nôtre et 18 enfants d'une classe à horaire aménagé d'un collège sparnacien d'Epernay, collège recrutant des enfants de la ZUP et des villages du vignoble, et nous sommes accompagnés par la Société philarmonique d'Epernay ce qui fait un total de 200 éxécutants. Le travail de mise au point, d'adaptation de construction de cette oeuvre avec d'autres est très enrichissant. Voici la présentation de l'oeuvre et du compositeur rédigée par notre chef de choeur.
Carmina burana, que veut dire ce titre ?
Il s’agit de deux mots latins qui signifient « chants de Beuren ». En effet, les textes de l’œuvre appartiennent à des pièces en vers extraites de manuscrits du Moyen-âge (vers 1280) retrouvés au couvent de Benediktbeuren en Bavière en 1803. Ce sont des chansons de l’Europe entière, en bas latin, ou en haut-allemand ou en très vieux français. Elles ont sans doute été écrites par des étudiants, des clercs et des moines contestataires.
Que disent ces textes ?
Il y a aussi bien des textes religieux ou mystiques que des textes sur les plaisirs de la vie, de l’amour ; certains sont des critiques du pouvoir, civil ou ecclésiastique.
Carl Orff les découvre en 1934 et en choisit quelques-uns pour créer en 1935-36 une œuvre qui évoque trois attitudes permettant de résister aux tourments que nous inflige le Destin : l’exaltation de la nature ; le recours au vin et à l’ivresse ; la célébration de l’amour.
Qui est Carl Orff ?
Carl Orff est un musicien allemand né en 1895 à Munich et mort dans cette ville en 1982. Compositeur, chef d’orchestre, il s’est beaucoup intéressé à la musique ancienne. Loin des recherches musicales de son temps, il voulait créer une musique simple, primitive, c’est-à-dire fondée avant tout sur les rythmes naturels.
Qu’a-t-il voulu faire avec cette œuvre ?
Il a voulu écrire une « œuvre totale ». Le titre complet dit d’ailleurs : Chansons profanes pour solistes et choristes devant être chantées en réunion avec instruments et images magiques. Il s’agit donc d’un spectacle grandiose qui présente une sorte de cérémonie païenne célébrant la vie et les passions. Il écrira plus tard deux œuvres d’inspiration semblable qui viendront compléter la trilogie des Trionfi : Catulli carmina et Trionfo de Afrodite.
… à propos des carmina burana
On entend souvent le premier morceau. Mais qu’en est-il de l’ensemble de l’œuvre ?
Disons d’abord que les mélodies n’ont rien à voir avec celles du Moyen-âge, qui étaient inconnues de Carl Orff. Il a inventé ses mélodies en voulant créer une ambiance de carnaval médiéval. Le premier morceau est effectivement très connu, utilisé dans des films, des publicités… Mais ce morceau, qui dénonce les caprices de la Fortune, ne se comprend en réalité que par rapport à toute l’œuvre.
Carmina burana a souvent été regardé comme une œuvre liée aux heures noires du nazisme. Qu’en est-il ?
Carl Orff n’a jamais adhéré au parti nazi. Il a cependant composé des musiques pour le régime, en particulier lors des J.O. de Berlin. Il ne s’est jamais exilé. Le régime nazi a été très critique avec son œuvre. Il est vrai que Carmina appelle à la totale liberté contre les fatalités et les idéologies. Ses rythmes évoquent parfois le jazz, certaines influences russes sont sensibles, ce qui était pour les nazis une réelle tare. Mais si Orff s’est tenu discret, pour continuer à écrire de la musique, et a accepté les commandes, on ne peut pas le considérer comme un partisan de ce régime, qui a toutefois bien su se servir de lui, jusqu’à voir dans Carmina une célébration de la race aryenne....
Que peut dire cette œuvre au public d’aujourd’hui ?
Carmina burana est un véritable succès populaire, certainement incompris. Au-delà d’une musique rythmée, variée, mais aussi souvent répétitive pour suivre les strophes des textes, il faut y entendre, redisons-le, une sorte de rituel affirmant la force de la vie et des passions face à la cruelle Fortune, le Destin. Même si ce Destin finit toujours, on le sait , par l’emporter. C’est pourquoi le fameux morceau Ô Fortuna revient à la fin de l’œuvre