Pétain, un héros si populaire de Serge de Champigny.

Nous avons regardé cette approche du personnage, suivi d'un court débat, hier soir sur France 3. Le film est d'autant plus intéressant qu'il donne envie d'en savoir davantage et invite à la réflexion.
J'ai consulté le Quid pour en savoir un peu plus sur les jugements qui ont suivi. La liste des condamnations ( prison, travaux forcés) par la Haute Cour de Justice me semble assez longue et trois hommes ont été executés : Laval, Darnand et de Brinon.
L'Histoire de France par San Antonio publiée en 1964 aborde cette période en quelques lignes " Et nous , on a pu bouffer le rutabaga peinardement : on avait touché deux sauveurs à la fois : un pour la maison et l'autre pour l'exportation." Et San Antonio conclut " Cette Histoire là, on s'est contentés de la vivre; plus tard nos descendants la mettront en bouteille, mais en en attendant il faut qu'elle repose "
Oui, c'est vrai, car depuis 1964, l'eau a coulé sous le pont, et nous continuons à chercher pour savoir et pour comprendre et je crois comprendre aussi pourquoi San Antonio ne s'attarde pas sur l'Histoire qu'il vient de vivre et encore moins sur celle qu'il vit dans les années 60.

Ce qui m’a surpris, c’est de voir ce vieil homme acclamé à Paris, à Nancy, en juin 44 alors que les alliés ont débarqué en Normandie. (Est-ce que cette foule était la même qui acclamait de Gaule quelques semaines plus tard ?)

Ce comportement grégaire m'a étonnée et inquiétée moi aussi car avec le recul on se dit que tout de même que Pétain n'a rien fait pour sauver des gens qui n'avaient pas choisi de naître juifs, pour des enfants qui n'avaient rien fait de mal, pour des adultes qui avaient risqué voire donné leur vie pour la France et dont certains étaient des camarades de la Grande guerre.
Je me demande aussi qui a véritablement établi ce statut des Juifs rectifié et durci de sa main. Ces foules qui l'acclament sont-elles bien informées ou préfèrent -elles ne pas l'être et s'enfermer dans l'illusion pour se protéger d'une vérité qui dérange la tranquillité ?
Et je me demande aussi pourquoi le cancer de la haine se développe aussi vite et aussi facilement qu'il s'agisse de la haine contre les Juifs, contre les Communistes et tant d'autres ou contre les femmes tondues à la Libération dont certaines simplement soupçonnées parce qu'elles étaient jolies n'avaient rien fait du tout.( L'envie, ce cancer de nos sociétés disait Camus dans sa Préface de" L'Envers et l'Endroit "engendre bien souvent la jalousie destructrice.)
Je pense à cette oeuvre admirable de Vercors : " Le silence de la mer. " où un officier allemand, musicien compositeur justifie son engagement politique pour deux raisons. Il a promis à son père de venger l'humiliation du Traité de Versailles d'une part, et il voit d'autre part dans la collaboration de l'Allemagne et de la France, l'union de La Belle, délicate, littéraire, cultivée, soit la France et son patrimoine culturel, et de La Bête, forte et instinctive, soit l'Allemagne qui va la protéger. Quand ses amis nazis lui déclarent que justement ils veulent détruire l'âme de la France et la transformer en chienne rampante, il prend conscience de son illusion et il demande à partir pour le front russe dont vraisemblablement il ne reviendra pas.
Sortir de l'illusion pour affronter la vérité, c'est tout un travail de recherche et de réflexion, un travail de toute une vie, dont les foules ne se soucient guère à mon humble avis. Pensons aux moutons de Panurge qui se jettent à la mer. Une foule ne pense pas. Elle se laisse entraîner et entraîne comme le chantait Edith Piaf.
Bon, j'ai aimé ce film qui titille ma curiosité.

Charpentier Hélène a écrit:

Ce comportement grégaire m'a étonnée et inquiétée moi aussi car avec le recul on se dit que tout de même que Pétain n'a rien fait pour sauver des gens qui n'avaient pas choisi de naître juifs, pour des enfants qui n'avaient rien fait de mal, pour des adultes qui avaient risqué voire donné leur vie pour la France et dont certains étaient des camarades de la Grande guerre.

On se demande aussi ce qui se serait passé si Hitler avait été français (ou autre...)
Il n'avait pas plus de voix que Le Pen quand il a commencé sa conquête de l'Allemagne.

Quelques chansons françaises abordent ce thème, mais on se garde bien, encore aujourd'hui, de pousser la réflexion plus loin.
Il est vrai qu'elle est en partie inutile. On ne refait pas l'histoire et on ne peut pas non plus garder indéfiniment grief des fautes passées.

Il faut quand même reconnaître que le comportement de Petain n'était guère différent de celui de bien d'autres français de sa génération. Héritage d'un passé, à l'époque récent, qui faisait de tous ceux qui avaient une quelconque autorité, des tyrans sans scrupules. Avec, cela va de soi, nombre d'exceptions à la règle.

À ce propos, puisqu'on parle cinéma, France 3 a repassé récemment "Joyeux Noël", ce film sur la trêve de Noël qui eut lieu dans les tranchées en 1914.
On comprend beaucoup mieux certaines choses quand on sait que le haut-commandement français a fait fusiller les soldats qui ont participé à cette trêve. Encore mieux quand on sait qu'en Allemagne, cette initiative fut appréciée et qu'elle fit même la première page des journaux en Angleterre. Bref, qu'à part haut-commandement français tout le monde a trouvé ça très bien.
Quelqu'un issu de ce milleu ne pouvait guère être "convenable".

" L'initiative fit la première page des journaux en Angleterre. " L'opinion était donc déjà manipulée. Rien de nouveau sous le solstice comme le déclare cette chanson de Noël, pas facile à chanter juste en chorale d'ailleurs en raison des dissonances volontaires de la partition reflétant ce qui sonne faux dans notre monde.
Mon père nous disait souvent qu'il avait été manipulé et que, patriote fanatique lors de la déclaration de guerre de 1914-18, il avait voulu, âgé de 19 ans à l'époque, s'engager et rejoindre son frère aîné mobilisé. La disparition rapide de ce dernier et d'un cousin germain puis d'autres camarades d'enfance l'ont fait changer d'avis. Les médecins militaires n'ayant pas voulu de lui en raison de sa gibbosité et de sa constitution chétive avaient conclu qu'il ne ferait pas de vieux os. Il est décédé à l'âge de 99 ans et 9 mois.
En consultant les manuels d'histoire de l'école primaire d'avant cette première guerre mondiale, j'ai compris ce qu'il entendait par le mot "manipulé."
La manipulation ailleurs qu'en France, au Canada très exactement, est illustrée dans " Le bar de la Fourche." film d'Alain Levent, en 1972 d'après le roman de Gilbert de Voisin, avec Jacques Brel dans le rôle d'un aventurier cherchant à sauver un jeune fille en danger de viol par un pasteur mais s'appliquant également à contrer la propagande d'un rabatteur de chair à canon.